vendredi 1 février 2019

Apprendre autrement




Me voilà à un peu plus de 4 mois post opératoire. Pour comprendre où j'en suis je dois regarder ces quatre mois dans les yeux.
Ce qui me vient en premier c'est cette horrible douleur au réveil et durant 4 jours. Ce premier moment où je me suis sentie trahie, couchée là ne pouvant ni bouger, ni respirer ni parler mal, trop mal.On me dit ça va se calmer... demain.... c'est normal....
Ah oui normal, mais pour moi demain c'est des milliers de secondes à subir, subir encore subir de trop depuis trop longtemps. Absolument rien ne me soulage... Échelle de la douleur  madame :de 0 à 10... à ton avis??
 Tout le monde est heureux, j'ai survécu à cette chirurgie, j'ai mes jambes, ils ont pu réparer bien plus que prévu..je comprends leur joie mais moi je voudrais juste que tout s'arrête je me sens condamnée à subir abandonnée à mon sort. Je sais à cet instant combien la route va être longue.
J'ai songé non je vais être honnête, je voulais mourir ne plus être demain, ne plus Être.
La douleur, cette autre moi depuis tant d'années avait déjà tellement envahit mon corps, ma vie, comment trouver la force de me battre encore plus fort maintenant que ces tiges étaient en moi...
Mais voilà je n'allais pas mourir, je me suis accrochée à toi Mon Amour, à tes murmures, à tes doigts qui effleuraient mon front, à cette présence permanente. Je savais que tu essayais de trouver une solution afin qu'on entende mes maux.
Il y a eu le premier levé à J3 tu étais tellement heureux de voir mon dos droit, tout comme la chirurgienne. Pour moi c'était réaliser que je n'avais plus d'équilibre, cette sensation d'être enfermée dans un corset, projetée en arrière. Mais je n'étais pas dans un corset, c'était mon nouveau corps. Un sentiment d'inconfort très fort.
A J15 alors que j'ai été transféré dans un centre de soins et de réadaptation je fais de la fièvre. J'ai toujours énormément de douleurs. Je suis lasse et je regrette cette opération tout en sachant que pour les regrets c'est trop tard. Que maintenant je dois faire avec ces tiges.
Dans l'après midi de cette journée, tu m'as demandé comment j'allais par sms, ma réponse totalement incohérente t'as heureusement alerté. J'étais à 40 je délirais.
Transfert aux urgences, puis 24 h après retour à Poitiers, infection, opération à nouveau à J 17.
Tout est flou concernant ces 2/3 jours.
Je suis enfin rentrée chez moi le 19 octobre couchée dans un lit médicalisé. Nous avons du adapter notre logement, déambulateur, pince pour m'aider si quelque chose tombe, poignets et rehausseur aux WC, siège de douche, éponges avec manches, fauteuil roulant. Infirmière tous les jours...
Mes douleurs depuis cette deuxième opération ont diminué mais je sentais combien mon moral était en berne, combien toutes ces larmes que je n'ai pas laissé couler sont devenues colère.
Lorsque j'ai pu enfin sortir du lit début novembre je pensais récupérer très vite et reprendre ma vie en main.
Et là mon corps m'a très vite montré ses limites, perte musculaire majeure, muscles du dos en tension, une claque immense, j'ai mesuré un cet instant qu'il faudra beaucoup de temps, d'efforts, de travail.
Apprendre autrement, apprendre à marcher, apprendre à bouger, apprendre à m'assoir, à soulever des objets, à me laver, m'habiller... Tout apprendre...
C'est à cette période vers Noël que je suis tombée un peu par hasard sur la page Instagram de AXEL ALLETRU  "accidenté" de la vie qui à su rebondir et faire de ce qui pourrait être dramatique pour un jeune homme une force. Pas uniquement dans sa vie personnelle mais également dans son analyse extrêmement  juste des mécanismes pour avancer. Je vais revenir sur son parcours plus tard.
Pour la première fois depuis 12 ans j'ai compris qu'il me fallait trouver un exemple à suivre, voir qu'on peut y arriver. Et cette page Instagram réunissait tout ce qui a toujours été ma façon de tenir.
Alors j'ai lu chacun de ses message, petit à petit ma vision à changé, mon premier clic a été que si lui, jeune avec un avenir de champion devant lui a su rebondir alors je peux y arriver.
Le deuxième clic a été de comprendre que même si mon corps n'est plus aussi efficace, que je fais tout très lentement aujourd'hui, je suis vivante, debout, et que chaque victoire aussi petite soit elle est une victoire importante.
Il y a environ trois semaines j'ai réussi après des jours d’échecs à mettre mes chaussettes toute seule. J'étais tellement émue.
"La façon la plus sûre de réussir est d'essayer une autre fois" Axel Alletru
Lire ses mots m'a permis de m'accrocher au positif alors que je me sentais encore emmurée. J'ai pris conscience que je brûlais les étapes, je courais après un rêve, vite devenir autonome, vite tenir debout toute la journée, combat contre moi, combat contre mes muscles qui brûlaient mon corps...combat pour vite être libre...
Et là l'infirmière qui me soignait m'a demandé d'être son cobaye concernant sa formation en hypnose. J'ai accepté, je l'avoue pour lui faire plaisir, et que je suis chez moi à tourner en rond.
Et cette séance a été un bouleversement j'ai pris une claque énorme, ces tiges dans mon dos que je visualisais comme des barreaux de prison sont aujourd'hui une protection, ces tiges me permettent de pouvoir vieillir, elles protègent tout ce qui est brisé.
Si je cumule en moi ces deux rencontres la première ( Axel Alletru) m'a apporté la paix intérieure. J'ai le droit de faire doucement, j'ai le droit et surtout le temps de faire, le tout étant de faire et d'avancer.
Axel dit un moment "on n'accepte pas, on fait avec..." c'est exactement mes mots depuis toujours lorsqu'on me demandait ou conseillait d'accepter..
La deuxième l'hypnose m'a apporté l'acceptation des tiges comme une sécurité.

Je vais finir en parlant également d'une allier très importante, ma kiné. C'est elle qui me montre chaque semaine lors de nos séances que mon corps peut fonctionner autrement, qu'il faut lui apprendre à comprendre. Ne jamais aller à la douleur afin que le cerveau donne l'information de relâcher les muscles.
Le fait d'avoir redresser mon corps après tant d'années ( plus de 30 ans) tous mes muscles étaient tendus,  je dois comprendre que m'allonger est aussi important que mes exercices. 

Au final, même lorsque tout semble sombre, on arrive à faire des choix pour basculer du bon côté et avancer autrement mais avancer.
Je dois également remercier mes filles et toi Koni, vous me poussez sans cesse, vous m'aidez lorsque je ne sais pas faire, vous encaissez ma colère lorsque certains jours les larmes que je ne laisse pas sortir deviennent reproches. J'ai besoin de temps pour apprivoiser mon corps que je ne connais plus vraiment et pour oser imaginer un avenir sans douleurs sans paraplégie programmée chose que je ne pensais plus être accessible pour moi.