lundi 4 février 2013

Emprisonnée.



Un  jour, ici, j'ai écrit que je voudrais être couchée dans de hautes herbes, je voudrais être dans une prairie baignée de lumière et sentir le vent caresser mon visage. Fermer les yeux, respirer, sentir cette chaleur, cette quiétude envahir mon corps, ma tète. Ne plus songer à rien, ne plus sentir ce corps qui a mal.

Ce corps, mon corps, celui dans lequel je suis enfermée. Enfermée à perpétuité. Ce corps qui me freine, qui est là à chaque instant de ma vie pour m'empêcher de rebondir comme je le souhaite.
J'ai pourtant besoin de rebondir, j'ai besoin de construire mes filles, de les mettre sur la route de la Vie.
Il y a ma tète et mon corps, il y a ce que je voudrais faire confronté inlassablement  à ce que je suis en mesure de faire.
Ce corps, cette prison faite de souffrances, cette prison où le répit n'existe pas, cette fatigue qui certain jour me fait douter de tout, fatigue physique et fatigue morale.

Être enfermée dans ce corps, c'est ressentir les limites, c'est être en guerre contre soi, c'est vouloir s'échapper de cette enveloppe de brûlures, de coups de poignards.
 Taire ses maux!  Les mots ne servent à rien, ils n'aident pas.
Être chahutée sans cesse par les difficultés de la vie, faire face encore et encore pour lui pour elles..
S'accrocher à ceux qu'on aime pour tenir le cap.
S'accrocher à ceux qu'on aime lorsque ce corps vous brise en deux, lorsque l'air vient à manquer lorsque la douleur est bien plus forte que toute la volonté qu'on peut avoir.

Ce matin c'est difficile, je me suis réveillée en sachant de quoi sera faite ma journée, un combat de plus, une journée de plus. Je me suis levée tôt très tôt pour permettre à ma douleur de baisser un peu, d'avoir le temps de la laisser s'estomper avant de m'occuper des filles. Calée dans le canapé, entourée de coussins, un gilet sur moi, une veste sur mes jambes, je frissonnais. Ma peau hurlait déjà stop, ces brûlures qui me dévorent, cette hypersensibilité mélangée à une sensation d'engourdissement des hanches.
Me voilà assise là à attendre, à respirer calmement, à me dire que ça va aller, qu'il me faut attendre, attendre que ça passe. J'essaye d'organiser ma journée, c'est toujours pareil, qu'y a-t-il à faire d'urgent? Si je dois faire le ménage, qu'est ce qui pourra attendre? Combien de fois je vais devoir prendre la voiture? Faut-il que je porte des choses? Calculer chaque geste pour tenir jusqu'à ce soir.
Et déjà anticiper le lendemain. Toute ma journée est une succession de calculs, de réflexions.

Prendre la voiture, c'est pour commencer, enfiler des chaussures, donc se baisser tirer sur le cuir pour y faire entrer le pied, se redresser et recommencer l'opération pour  la deuxième. Ensuite c'est monter dans la voiture, se mettre bien dans l'axe du siège, soulever et plier sa jambe, faire glisser les fesses sur le siège et effectuer un léger mouvement vers l'arrière pour bien caler le dos. Ce petit mouvement qui va faire hurler mon corps. Faire ensuite un mouvement vers la gauche pour attraper la ceinture, tirer celle-ci vers la droite pour aller la fixer. La je prends des décharges dans le coté droit.
Le frein à main !! alors là on touche le pompon. Attraper la poignet, soulever et enfoncer le bouton.. C'est presque un supplice..
Me voilà parée pour partir !!!
C'est incroyable comment chaque petite chose de la vie peut devenir un enfer, toutes ces choses qu'on fait sans se rendre compte "normalement" et qu'on se prend en plein visage lorsque le corps ne veut plus, ne peut plus.
La c'est un petit exemple de mon quotidien, de ma journée. Lorsque je relis ce dernier paragraphe je trouve ma vie pathétique. En être résignée à analyser les détails de ma vie pour tenir.
Et puis à coté de tous ces calculs il y a le paraître, le "faire comme ci" les problèmes à gérer.
Les R-D-V pôle emploi, où je dois montrer une extrême motivation alors que malgré toute ma bonne volonté mon statut, mon handicap est un frein. Restez motivée !!! pas toujours évident lorsque rien ne va. Ma douleur, n'a pas sa place sur le marché du travail.

Vivre avec cette épée continuelle du "et si je ne pouvais plus?" ou "et si lui ne tenait pas ne pouvait plus accepter ce quotidien?" Se serait légitime car malgré tout l'amour du monde qu'il a pour moi je sais qu'être aux cotés de quelqu'un de malade n'est pas forcement aisé. Il a ses projets ses ambitions, qui sont magnifiques et je ne pourrais jamais supporter être un frein à sa vie. Il m'est interdit de limiter celui que j'aime. Ma tète le suivrait au bout du monde mais mon corps, ce fichu corps, ma prison.

J'observe les gens autour de moi, je les regarde vivre évoluer, bouger, sans qu'ils ne réalisent une seule seconde la chance qu'ils ont de pouvoir vivre librement.

Juste quelques instants je voudrais m'allonger au calme entourée de chaleur de lumière douce, écouter chanter la nature, ne rien ressentir, juste quelques instants.
 M'évader de mon corps, délier mes chaînes, juste un instant.

 



 



1 commentaire:

Unknown a dit…

Je me reconnais ... si violemment dans ces écris ...